Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le ventre d'Ivi Kromm
3 novembre 2008

Chat

3_La_statue

Ça faisait longtemps que je n'avais pas été au cinéma. J'étais malade, j'en ai profité puisque je n'arrivais pas à me concentrer - comme si je me concentrais beaucoup en tant normal.

Je suis jeune. Je suis étudiant. Je ne fous globalement rien, je suis du genre à appliquer la loi du moindre effort et je le revendique. Je ne prétends pas représenter la jeunesse, surtout pas, les résultats seraient faux, d'ailleurs on ne m'interroge jamais pour les sondages et ce genre de choses. Quand je dis que je ne fous rien: je suis un bosseur. Quand il faut en mettre un coup, je sais en mettre un coup. Je vais en cours et je suis dedans, je participe un peu, même, je... Mais dès que je suis chez moi je joue au solitaire pendant  des heures. Je m'organise pour tout faire par étapes, petit bout par petit bout. Je ne débarasse pas la table, jamais, j'emporte une chose à chaque fois que je dois me lever. Pour aller aux toilettes, par exemple. En quantité, sans doute que je travaille en fait autant qu'un travailleur, si l'on considère qu'un travailleur tué à petit feu par son travail ne fait rien en rentrant chez lui. Il s'arrête, il ne fait plus rien. Comme une machine qui a trop chauffé.

Oh, je parle bien sûr du travailleur des villes, rien à voir avec la race des campagnes, des descendants directs, non-corrompus par la société d'aujourd'hui, comment dire... ceux qui ne connaissent pas la vie sans travail. Bon, le film était bon, c'était Agnès Jaoui alors, c'était évidemment très bon. Agnès Jaoui fait partie de ces femmes qui me fascinent, pour qui je pourrais tout lâcher, sans doute, comme d'autres de ces femmes... Ce sont surtout des femmes qui me fascinent, je me demande bien pourquoi. Enfin, je sais très bien pourquoi. Mon éducation, ma mère, tout ça... Mais je me suis échappé de ces choses qui soi-disant nous enferment, aujourd'hui certains hommes aussi me fascinent. Pas de la même manière, bien sûr, les femmes me charment à priori... Les hommes me séduisent. Je suis un peu un bisexuel du coeur. Je suis assez complexe, ouais.

Mon récit commence le 17 octobre comme je sortais du cinéma. Je me disais que quand même la vie était belle, qu'il y avait du soleil même dans cette horrible rue du Cartage et je m'amusais à détailler les gens puis à m'imaginer ce qu'ils pouvaient bien se dire en me détaillant. Juste avant chez moi un mec me regardait justement et je me demandait s'il voyait derrière cette démarche énergique, cet aire joyeux et décidé, recherché, ce jean trouéde manière ostentatoire comme il faudrait dire, cette écharpe verte et ce blouson de cuir, derrière cette silhouette pivotant soudainement vers le truc à digicode pour ouvrir... S'il voyait donc ce qui se passait sous les racines de ces cheveux-là... - on sait pas trop ce que c'est... Coiffure de drôlibus comme diraient les grand-mères. - S'il voyait que ça m'emmerde moi ce digicode! Pourquoi s'enferme-t-on comme ça?

Mon rêve, ce serait des maisons sans portes, ou alors avec des tentures, enfin des trucs que chacun pourrait franchir sans problème, mais ne le ferait justement que dans le respect de la personne qui loge derrière! La confiance! La liberté! Ces choses qui nous manquent... Le rêve! Il faut quand même se rendre compte que j'ai trois portes à franchir pour arriver chez moi: celle du code, celle de la clef, et enfin celle de mon propre appartement. Ma grand-mère, elle, n'en avait qu'une à laquelle il n'y avait pas de serrure et puis de toutes manières, elle était toujours ouverte. Mais nous sommes ici en ville, et il y a des gens bizarres, oui, des gens non recommendables, des fous qui parlent tout seuls et des drogués, des policiers aussi qui nous guettent, c'est dangereux. Et voilà d'ailleurs ce que j'ai à raconter: il y avait hier soir un fou dans ma rue. Je ne sais ni pourquoi, ni comment, de ma fenêtre je ne vois pas le pavé, je ne vois que les toîts. Mais un fou a traversé le quartier en hurlant "MIAOU!" plusieurs fois de suite. Et sans imiter le chat, non, en articulant bien, comme on est forcé de faire quand on hurle d'une voix aigüe.

Toute la journée aujourd'hui j'ai senti qu'il y avait quelque chose de différent. Tout allait bien, je faisais mes petites observations comme d'habitude, mieux que d'habitude peut-être mais quelque chose n'allait pas, surtout dans mon appartement. C'est quand je me suis assis par terre devant mon écran pour me lancer dans une Dame de Pique que j'ai compris. C'était très silencieux. Aucune ombre ne passait dans le reflet du velux sur la moquette; et j'ai levé les yeux... Il n'y avait plus aucun pigeon sur les toîts. Plus un bruit.

17/10/2008 Rennes.

Publicité
Commentaires
I
Et c'est tout ce que ça t'inspire? :-)
F
T'as utilisé le mot digicode.
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité