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Le ventre d'Ivi Kromm
13 décembre 2007

Le bruit des pas sur le gravier de mon enfance...

kern

Tout à l'heure il y avait un vieil homme à côté de moi. Je dirai le roi de coeur, maman, mais je ne suis pas sûr.

Alors évidemment j'y pense, hein, je ne sais pas. Je dirais c'est lui, on l'attend évidemment, mais ça fait tellement longtemps qu'on l'attend que je ne peux pas jurer maintenant que ce sera sans moi.

J'ai tourné la tête, mais tu sais bien. Je pense qu'il est encore dans la pièce.

Il y a Gérard dans le juke-box. Encore une fois, il a tout compris.

Je ne connais pas cette personne, je l'ai assez dit et répété sur ce ton de défi, mais ce n'est pas un défi c'est que je ne le connais pas et on a toujours de l'appréhension à s'adresser à un étranger. On n'a pas les mots, on fait trois fois l'tour du pâté de maisons comme dit l'père la franchouille, on ne sait pas, voilà, faut avoir le coup de pied du bon Dieu dans le cul. Alors t'imagines comment c'est dur quand non seulement c'est son pote au bon Dieu et qu'en plus tu sais bien que quelque chose cloche. Toi, toi, toi, à qui je parle, à maman sans doute mais ça n'a aucune importance.

J'avancerai silencieusement, le jour, je le sais, tu verras peut-être mais je ne te le montrerai pas, je chercherai avec un air inspiré et sans doute un peu ridicule. J'humerai les coups de vents, je foulerai les herbes, arracherai les pétales et poserai ma main sur les pierres. Quand j'aurai trouvé mon poste, je m'asseoirai, j'attendrai, j'écouterai, je fumerai. Voilà. Et puis je partirai.

Dans le parc, devant l'allée,
Le vide immense
Le bruit des pas sur le gravier
De mon enfance...
Le bruit des pas, sur le gravier
Les ombres dansent...
Est-ce ainsi que les hommes meurent?
Et leur parfum au loin demeure...

C'est ça, uniquement ça qui restera autour de la maison. Des bruits, des sons, des odeurs surtout, tu sais la cire froide par exemple. Je ne connais qu'un endroit qui sent comme ça. Pas un souvenir. Pas une image, puisque même les photos ne m'inspirent rien. Je vois toujours un étranger, et sur les récentes, je vois un mort.

Il ne restera même pas en vous! Pas en elle, en tous cas, ou alors d'une façon proche de la mienne, je pense, en plus fort évidemment, avec des images, quelques unes, comme des courts métrages à l'interprétation dangereuse. En lui un peu, quand même. En toi je ne sais pas, tu le caches, tu le lâcheras peut-être un jour après quelques kirs si nos mots t'ont fait pleuré ou si tout à coup un souvenir nous rapproche. Peut-être. J'aimerai assez, oui. Mais tu le sais. Tu ne veux pas.

Alors est-ce ainsi que les hommes meurent? On dirait. Et c'était un homme, un drôle d'homme, pas un demi, non, certainement pas. Peut-être qu'il faudrait que je le vois seul à seul, hors de cette délégation absurde et incohérente que j'ai formé tant de fois avec la chèvre, le cochon et le chat ou encore le rat mais je n'oserai jamais!

Je n'oserai jamais... Je ne sais pas en fait, si elle me pousse un peu, qui sait, s'il est encore temps...
J'oserai peut-être. J'ai encore du mal à l'accepter, mais oui, tout est bien possible.

En tout cas, voilà ce que je voulais dire, il restera aussi dans la maison, et déjà son parfum demeure.

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