Ma chère Mamie, Aujourd'hui c'était ton
Ma chère Mamie,
Aujourd'hui c'était ton enterrement. Tu vas beaucoup me manquer. Encore une fois j'ai failli à mon devoir: je ne t'ai pas dit tout l'amour que je te portais. Je te l'ai dit dans mes cierges: je ne t'oublierai jamais. Je n'oublierai pas ce que tu as fait pour moi, les plaisirs que nous avons partagé, ta joie de vivre, ton visage expressif qui se tordait dans tous les sens, ta spontanéité, ton sale caractère aussi, mais il n'a jamais entamé l'amour que je te portais car tu as toujours été là où sans toi le vide aurait été source de mal de vivre, et qui n'a jamais non plus entamé ton amour pour moi et les autres, j'en suis sûr. J'espère que tes douleurs se sont tues, et je suis sûr que la beauté du ciel et des personnes que tu y retrouves te font du bien. Je sais que tu y es bien.
Je chercherai ta lumière. Je sais que tu veilles sur moi.
Je me fous de l'argent. J'en trouverai. Ne t'inquiète pas pour ça. Donne-moi plutôt la force de rester libre, de donner de l'amour, de diffuser de la joie. Je te promets de veiller sur Erell, de continuer à la voir et de rester rassemblés, tous ensemble, autour de Kernéguez que je défendrai farouchement. Je garderai cet esprit d'accueil, de liberté, de communauté familiale, je compte sur toi pour m'y aider. Veille sur moi, car j'aurai besoin de ta force. Et j'en serai digne.
Tu prenais tout le temps à la belote, tu laissais brûler les casseroles, tu mangeais n'importe comment des fruits pourris, des gâteaux, des petits pois au sucre (peut-être pas exprès?) et des pruneaux. Tu étais spontanée. Tu étais belle, avec ton nez crochu. Tu te réjouissais d'un rien, d'une babiole jolie, tu jetais l'argent par les fenêtres et tu n'en avais pas beaucoup, tu t'interessais aux choses et aux gens. Tu riais, tu étais bornée et tu faisais ce que tu voulais, tu te fatigais pour moi et tu m'engueulais pour rien, pour des choses sans intérêt. L'amour était là. Il ne partira plus. Tu buvais du lait au chocolat, du thé au lait, de la crème de cassis, du sirop spécial toux sèche, du jus multivitaminé, du lait concentré sucré, tu mangeais des mueslis. Tes lunettes étaient défoncées, tu regardais la télé à fond... Tu as fait disparaître un bol de petits pois, tu levais le doigt en l'air, tu m'as parlé de gros phares en t'endormant, tu racontais « le diable de Mirloret » quand on était petits. J'aimerais bien l'entendre encore! Je continuerai à raconter la blague de la chèvre qui ne fait pas rire grand monde à part moi. J'ai tellement hâte de te retrouver pour te raconter ce que je vais vivre! Je ferai ces ballades que je n'ai jamais pu faire avec toi faute de permis et de voiture, et tu n'auras qu'à me suivre. J'irai partout, je m'interesserai à tout pour qu'on le voit ensemble. Je parlerai à tout le monde. Je n'aurai peur de rien, et je me forcerai à être à l'aise quand je ne le serai pas. Profite bien de tes parents, de Solenn, de toutes les personnes passionnantes que tu vas rencontrer sûrement, de Dieu aussi qui veillera sur toi et fais moi signe une fois de temps en temps, du Paradis des ânes! Je n'ai pas osé. J'espère que tu me pardonnes. C'est la dernière fois que je n'ose pas. J'essaierai. Je ferai tout et n'importe quoi. Je lirai vraiment les Amours Jaunes...
J'ai beaucoup pleuré. Les autres aussi. Mais je te jure que je suis joyeux. C'est juste qu'il est douloureux de ne plus pouvoir le partager avec toi, comme je ne l'ai pas assez fait. Je t'aime et tu vivras en moi. Merci pour tout ça, merci d'avoir été ma grand-mère.
Yvonne Le Mage, née Benoist, morte le 29/08/2007 vers trois heures du matin, mais vivante pour toujours.
Toujours.
Un bracelet de cuivre dans ta peau molle
Tu me tirais les cheveux.